Y'a pas de raison, moi aussi je ressors mes vieux trucs. D'abord.
La journée se terminait. Le Crâ rangea les outils qui trainaient sur son métier à tisser, les mit dans son sac à dos cousu main, et prit le chemin de la maison.
Ce jour était pour lui un jour spécial. Il l'avait plus passé sur la lune que sur la terre ferme, perdant ainsi deux clients : un pour lui avoir cousu une cape à même les vêtement (et ce, sur tout le corps), et l'autre pour lui avoir planté une aiguille jusqu'au sang à un endroit qui n'a pas l'habitude de recevoir un tel traitement.
Mais il s'en fichait. Le jeune homme avait pris une décision importante, ce jour là. Depuis le temps qu'il y pensait, il avait décidé d'enfin se jeter à l'eau. A la fois anxieux et pressé, il marchait sans voir la foule qui noircissait la rue, vérifiant toutes les 5 minutes que l'objet que contenait sa poche y était toujours.
Il arriva près du lac, et ralentit le pas jusqu'à la porte de la grande maison, où il s'arrêta, le coeur battant. Il avait répété cette scène dans sa tête toute la journée, et pourtant, il n'était toujours pas prêt. Il ne voyait plus rien que cette porte fermée qu'il allait devoir ouvrir, et n'entendait plus rien que son propre coeur qui martelait un rythme endiablé dans sa poitrine.
Il prit une grande inspiration pour se donner du courage, vérifia une dernière fois le contenu de sa poche, et ouvrit la porte.
La jeune femme était seule dans la maison, assise sur le sol, très occupée à faire jouer son chacha avec une ficelle de lin.
Le Crâ n'eut pas le temps de considérer très longtemps l'idée de faire discrètement demi tour, la Iopette, en le voyant, abandonna aussitôt l'animal à sa ficelle, ou l'inverse, et couru se pendre au cou de son amoureux.
-Korgaaaan!!!
Elle ne mesurait pas sa fougue, d'ailleurs elle mesurait rarement quoi que ce soit, et Korgan dut s'accrocher in extremis à l'encadrement de la porte pour ne pas ressortir tête la première.
-Salut ma Youffie...
Il décida de mettre un terme à son stress le plus vite possible
-Bon, il faut que... Youffie lâche moi...s'il te plaît lâche moi... il faut que je te parle.
-Hu?
-Viens, assieds toi...
Il n'avait pas vraiment le sens de la mise en scène, ni des belles paroles, et le stress ne faisait que rajouter à sa maladresse.
-Euh... voilà...
La couleure blanche de ses vêtements faisait ressortir celle crâmoisie de son visage. Il sortit de sa poche un petit anneau doré et le lui tendit.
-Euh... tiens.
-Waw! Un anneau!! Tu l'as eu où? Sur un monstre?
-Nnn...non... en fait c'est Papi-Manu qui l'a fait et...
-Ah c'est gentil ça, et il fait quoi? Il est magique? Il a un bon jet?
-Non, il ne fait rien, mais...
-Pourquoi tu me donnes un anneau qui ne fait rien? Il est gentil Papi, mais bon, un anneau qui fait rien, moi...
-En fait c'est une alliance.
-Une alliance, d'accord, mais prends l'alliance du champ-champ par exemple, c'est une alliance, d'accord? Et pourtant il...
-Youffie...
-Ouiii?
-... fais un effort, s'il te plait.
La Iopette le regarda de ses grands yeux, son regard se faisant encore plus inexpressif que d'habitude pendant une dizaine de secondes. Dix longues secondes, pendant lesquelles Korgan, plus angoissé que jamais, put presque voir les rouages de la réflexion se dérouiller difficilement à travers les yeux vides de Youffie... qui s'évanouit brusquement.
Korgan la regarda, inconsciente et étendue sur le sol, dans la position la plus saugrenue qui soit.
-Bon... elle a compris. Elle a pas dit oui, mais elle a compris...
Le plus dur restait encore à faire...